Miss Alfie nous propose actuellement un challenge qui consiste à chroniquer l’oeuvre de Stefan Zweig, qu’il s’agisse de ses romans, de ses nouvelles, de ses biographies, etc…
Puisqu’il se trouve que Stefan Zweig est justement l’un de mes auteurs de prédilection, j’ai décidé de profiter de l’occasion pour me plonger dans la lecture de certains ouvrages de ma PàL, et pour ressortir d’anciennes chroniques que j’avais auparavant publiées sur d’autres sites.
Il y a plusieurs années de cela, j’avais lu une nouvelle de l’auteur austro-hongrois Stefan Zweig. Cela s’intitulait un Soupçon Légitime et j’avais bien apprécié le style à la fois fluide et raffiné (certains dirons que c’est là l’oeuvre des traducteurs car l’écriture de Zweig était loin d’être aussi parfaite. N’ayant lu que les traductions françaises, je ne saurais me prononcer.)
J’ai ensuite trouvé La Peur en livre d’occasion, et comme j’avais un souvenir positif de l’auteur, j’ai décidé de l’acheter…
Qui est Stefan Zweig ?
Si vous souhaitez découvrir la biographie détaillée de Stefan Zweig, une rapide recherche sur Google vous permettra d’exaucer votre vœu. Pour ma part je vais simplement situer l’auteur dans son époque, car cela me semble essentiel…
Stefan Zweig est né en 1881 à Vienne. Vu sa date de naissance, vous pouvez vous en douter, il a connu la première guerre mondiale.
En 1934 il choisit l’exil vers le Brésil, car il a conscience du danger que représente Hitler. Précisons que Stefan Zweig est juif.
La période est vraiment sombre et emplie d’horreur, des horreurs dont Zweig est victime en tant que juif. Le compositeur Richard Strauss lui commande un livret pour son opéra Die schweigsame Frau, qui sera ensuite jugé comme une œuvre juive… Des autodafés des livres de Zweig ont lieu à Berlin !
Zweig a rédigé ses mémoires, y parlant de la honte qu’il ressent d’être né dans un puissant Empire qui a finalement suscité la honte dans le monde entier. Il se donne la mort en 1942, après avoir envoyé le manuscrit de Le Monde d’Hier à son éditeur.
Zweig est un auteur éclectique à qui l’on doit des nouvelles, mais aussi des recueils de poésies, des biographies (Marie-Antoinette et Magellan par exemple), des essais, des pièces de théâtre…
La Peur
Le livre dont je m’apprête à vous parler est un recueil de nouvelles. La Peur est la nouvelle principale de ce recueil et elle occupe environ soixante-dix pages. Ensuite on peut lire Révélation Inattendue d’un Métier, Leporella, La Femme et le Paysage, Le Bouquiniste Mendel, et La Collection Invisible.
Dans La Peur, Zweig nous présente Irène, une femme bourgeoise qui a noué une relation adultère avec un jeune artiste. Non elle n’est pas amoureuse de son amant, non son mari ne la délaisse pourtant pas, ni ne la rend malheureuse, mais c’est arrivé ; un peu par hasard, Irène a pris un amant…
Elle est toujours angoissée à l’idée d’être vue sortant de chez son amant, mais cela n’empêche pas un jour le pire d’arriver… Une femme l’agresse et commence à la faire chanter, menaçant de faire écrouler tout son petit monde…
Cette nouvelle m’a captivée. J’ai adoré le style limpide et intemporel de Zweig. Bien-sûr la nouvelle est ancrée dans son époque. Irène porte un chapeau et une voilette, qui seraient anachroniques en 2016, mais surtout elle est entièrement dépendante financièrement de son époux. Cependant, les sentiments que décrit Zweig sont toujours valables aujourd’hui. Et sa façon de les disséquer est vraiment excellente. On n’a aucune longueur, aucune envie de sauter un paragraphe ou deux, tant l’histoire coule d’elle-même, et nous tient en haleine.
Je me doutais un petit peu de la fin, mais sans en être sure… Finalement la fin que j’avais imaginée est arrivée mais elle m’a tout de même surprise dans les détails. J’ai absolument adoré ce court récit ! J’ai partagé l’angoisse du personnage principal, de la première page à la dernière !
Révélation Inattendue d’un Métier
La deuxième nouvelle de ce recueil nous présente un homme qui en observe un autre dans la rue. Le premier homme ne nous est pas particulièrement présenté, c’est le second qui va nous intéresser… A force de l’observer, le narrateur se rend compte qu’il s’agit d’un pickpocket. Subjugué, notre observateur décide de le suivre, pour le voir à l’action…
C’est une nouvelle courte et sans temps morts. Zweig nous prouve qu’il est un excellent observateur tant il décrit le pick-pocket et ses méthodes en détails.
Leporella
Je ne suis pas une experte en opéra et ceci explique que le prénom de Leporella ne m’ait rien dit. Il fait référence au Serviteur de Don Giovanni Leporello. Leporella est en fait un surnom donné à Crescence, une femme bourrue, devenue Servante d’un riche Monsieur. Personne ne tient dans l’ambiance détestable de la maison, car la Femme de Monsieur est très difficile à vivre… Seul Crescence supporte !
Crescence ne possède rien pour elle, ni la beauté, ni l’intelligence. Par contre elle ne craint pas le travail, et fait preuve d’un dévouement sans pareil pour son employeur… mais trop de dévouement peut s’avérer dangereux…
La nouvelle est plaisante, même si on imagine assez facilement ce qui va se passer… Ce n’est pas inintéressant pour autant, loin de là !
La Femme et le Paysage
Cette quatrième nouvelle m’a surprise car elle est très différente des précédentes, plus abstraite pour commencer. Elle nous parle d’un homme qui séjourne dans un hôtel du Tyrol en plein été caniculaire, et qui entre en relation avec une autre pensionnaire de l’établissement. Il est fasciné par une très jeune femme, qui semble désespérer comme lui de voir la pluie tomber…
Je ne vous en dirai pas plus car je ne souhaite pas courir le risque de gâcher le suspens. Au départ j’ai trouvé que la nouvelle était longue à se mettre en place. Il y a beaucoup de description de l’environnement. Et puis une fois le décor planté, tout s’accélère, et l’histoire nous emporte. Cela valait le coup de s’accrocher un peu pour entrer dans le récit, car il est original et surprenant !
Le Bouquiniste Mendel
Dans Le Bouquiniste Mendel, Zweig nous présente un homme dont le talent n’aurait plus une grande utilité à notre époque où les ordinateurs sont omniprésents. En effet, le bouquiniste Mendel est une sorte de catalogue vivant, qui se rappelle de tous les titres de livres, des auteurs, des prix des ouvrages… Ce n’est pas quelqu’un de très cultivé, mais il possède tout de même un talent de grande mémoire ! Le fait de se couper totalement du monde pour vivre à fond son étrange passion va lui jouer un très mauvais tour…
Cette nouvelle est surprenante, et on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec l’époque qu’a vécue Zweig…
La Collection Invisible
Le recueil s’achève sur une nouvelle très courte. La Collection Invisible tient sur moins de vingt pages. Elle est néanmoins celle qui m’a le plus plu. Je ne souhaite pas vous faire de résumé car cela me forcerait à dévoiler l’élément clef de la nouvelle, et cela n’aurait absolument aucun intérêt ! Comme je vous l’ai dit, elle est très courte, alors je vous dirais simplement de la lire, car vous ne le regretterez probablement pas…
Critique
J’ai été très agréablement surprise par ce recueil de nouvelles. Le style de Zweig est excellent. Il arrive à nous faire vivre des histoires intenses bien que courtes grâce à un formidable talent d’observation et de description.
Pour autant il évite de faire trainer son récit par des longueurs non-nécessaires. Il décrit, mais sans s’attarder inutilement, en restant toujours dans l’action. Cela se ressent particulièrement dans la nouvelle sur le Pickpocket. Tout s’enchaine bien, et les histoires bien que courtes laissent toutes une trace dans ma mémoire.
J’ai pensé à Palomar, un recueil d’Italo Calvino, qui décrit également beaucoup. Mais à l’inverse de Palomar qui m’a parfois lassé pour son côté descriptif, La Peur m’a tenue en haleine avec un bon suspens, omniprésent !
La Peur est un recueil dont je recommanderais très vivement la lecture même aux personnes qui ne sont pas de grands lecteurs. En effet, ce sont des histoires courtes, captivantes, et faciles d’accès.C’est un livre que je vais garder en tête et prêter dans mon entourage !
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